Pour sa dixième sortie, le label berlinois Habibi Funk, spécialiste des rééditions des scènes arabes du Moyen-Orient & d’Afrique lève le voile sur tout un pan de la scène libanaise de la fin des 70’s, option jazz &t folk. En résulte une pure merveille de fusions entre les deux genres, entre douceur & traditions, productions au cordeau et innovation, le tout mené par la voix du chanteur Issam Hajali, connu via sa formation Ferkat Al Ard.
Cet EP de l’artiste libanais met en lumière une scène encore peu diffusée et, il faut bien le dire, assez méconnue des amateurs de productions orientales alors que les voisines – on pense particulièrement à la scène turque, aussi bien en rare groove, rock psyché & jazz – se voient de plus en plus reconnues via de nombreuses sorties vinyles ou cassettes. Une scène libanaise pourtant fourmillante & prépondérante dans l’héritage musical de la région, à qui il manquait un coup de projecteurs. Tous les crédits reviennent une nouvelle fois à Habibi Funk, label passé maître dans l’excavation de trésors, de porter notre attention sur une sortie, l’EP de Issam Hajali donc, un exemple magnifique du genre. L’occasion également pour nous de vous dévoiler certaines références marquantes du genre jazz et folk des 70’s et 80’s.
Principalement marquée par le règne de la famille Rahbani dont le duo formé par deux frères – appelé tout simplement les Frères Rahbani – Assi & Mansour, fut une véritable institution de la musique libanaise. Originaires du Nord-Est du pays et formés à la musique religieuse & traditionnelle, ils font leurs armes dans une radio en composant des jingles. Se mettant peu à peu à composer à la fin des 50’s, ils font la rencontre de la chanteuse devenue par la suite icone nationale, Fairouz. L’aîné des deux frères, Assi Rabhani, deviendra son époux. Et c’est grâce à leur trio musical que Fairouz connaît un succès sans précédent au Liban d’abord, puis à l’international, notamment aux US et un concert sold out au Carnegie Hall en 1971. À la suite de graves soucis de santé d’Assi, leur fils, Ziad Rahbani, prend la suite des travaux de son père et marquera ainsi un changement dans les productions du trio la fin des 70’s & début 80’s : un glissement de la musique traditionnelle au jazz & folk, sans pour autant oublier ses racines. En résulte un son unique, aussi jazz qu’oriental, qui caresse indéniablement les genres musique de films ou de l’illustration. Ziad Rahbani, bien que jamais réellement reconnu comme membre des Rahbani Brothers, laissera derrière lui un grand nombre de chefs d’oeuvres dont les grands Abu Ali et Mais El Rim, qui ne souffrent d’aucune concurrence. Elias Rahbani, filleul de Fairouz, marque également avec grace la musique orientale jazz avec l’incroyable et psychédélique Mosaïc Of Orient en 1972.
Issam Hajali fait quant à lui partie des ces acteurs qui ont été, de près ou de loin, dans cette scène jazz vibrante. On lui connaît surtout ses oeuvres via son groupe Ferkat Al Ard dont l’unique sortie sur vinyle a été pressé sur le label Zida, et est probablement le disque le plus demandé de cette scène par les collectionneurs – une copie a changé de mains à Beyrouth cette année pour 5000$. Chanteur mais également guitariste, il participera aussi à l’enregistrement de certains disques de Ziad Rahbani.
La réédition du premier album de Hajali, Mouasalat Ila Jacad El Ard, fait office de nouveauté à part entière parmi les trésors enfouis libanais. Enregistré dans un studio à Paris en 1977 en pleine guerre entre le Liban & la Syrie, Issam Hajali s’accompagne de différents musiciens à la fois français, algériens et iraniens. C’est pourquoi cet album diffère du reste de la scène de l’époque et se révèle par sa composition : le folk mélodique, dépouillé & cristallin à la guitare est entre-coupé de pauses jazz et d’ajouts scintillants de santour. Une merveille, que l’on a pas fini de réécouter, tout comme cette scène à la fois ancrée dans son époque & moderne par son approche de la composition. C’est tout le talent d’Habibi Funk, celui de nous plonger par petites touches dans un univers jusqu’alors inconnu, que l’on veut ensuite dévorer tout entier.