Voiski est un musicien français. Luc – de son vrai prénom – commence à cultiver sa passion dès l’âge de 16 ans. Il sort son premier EP en 2009 (sur le label Groomrecords ), puis, en 2012, le premier EP Unforeseen Alliances 1/3 de la trilogie signée chez Construct Re-form. En 2013, il se lance chez L.I.E.S puis continue chez les respectés Dement3d et Dekmantel Ufo Series. Dans le cadre du Red Bull Music Academy Festival à Paris, Voiski présentera ce samedi son premier LP Disconnections, Music For Clouds, sorti sur son nouveau label : Super 95. Zoom sur un nouveau projet.
SALUT VOISKI. TU ES ACTUELLEMENT EN TOURNEE AUX US. COMMENT CELA SE PASSE ?
J’ai passé deux semaines aux Etats-Unis pour jouer à New York, Los Angeles, Seattle, et enfin à Philadelphie où j’ai joué dans une salle de bikram yoga alors qu’un cours venait d’avoir lieu. Il faisait extrêmement chaud, mais on retrouvait cette folie rave underground qui me manque un peu dans les festivals. J’aime beaucoup NYC, sa folie, son rythme, et je recommande à quiconque de s’arrêter à The Things, le disquaire tenu par Willie Burns qui regorge de trésors soul disco et pop des 80’s.
COMMENT SE SONT DEROULEES TES PREMIERES SORTIES ?
Quand j’étudiais à l’école des Beaux Arts de Cergy, je fabriquais mes choses de mon côté et les publiais sur Myspace. Pour le disque Cc/cp (paru sur Groom Records), j’avais rencontré les gars sur Myspace. Ils m’avaient proposé de sortir un disque sur leur nouveau label. J’ai accepté avec grand plaisir. Pour Unforeseen Alliances (signé sur Construct Re-form ), j’ai rencontré Zadig chez le disquaire Syncrophone, je lui ai envoyé quelques morceaux dont la track “Ad-infinitum”. C’était le début d’une amitié et d’une série de trois disques, dont le prochain va bientôt voir le jour. Je peux clairement dire que “Ad-infinitum” a été le tournant de ma carrière. Je me rappelle en 2012, un ami m’a envoyé une vidéo de Derrick May dans un club au japon en train de jouer ce morceau. C’était un moment important pour moi, même si je n’étais pas présent.
TU AS COLLABORE AVEC LE LABEL L.I.ES. A TROIS REPRISES : IAI MOVEMENT EN 2013, CULTURE TO TRASH EN 2014, UNTITLED SUR RUSSIAN TORRENT EN 2016. AUJOURD’HUI TU AS CREE TON LABEL SUPER 95. VAS-TU T’ÉLOIGNER DE CE STYLE INDUSTRIEL/NOISE ?
La première fois que j’ai entendu un disque du label L.I.E.S., c’était celui de Steeve Moore, joué par Marcel Dettmann. J’étais allé discrètement regarder le macaron du disque, et j’ai lu ces quatre mots magiques « LONG ISLAND ELECTRONIC SYSTEM ». Avec Ron, nous avions un ami en commun, de fil en aiguille, j’ai sorti trois EPs sur L.I.E.S. Chaque Label a sa patte, son (ses) son(s), son image, et je ne tiens pas du tout à m’éloigner d’un style. Je crois que la plupart des producteurs, des musiciens, des artistes en général n’ont pas une pratique uniforme, mais différentes sources d’inspirations, de facettes, et c’est en ça que c’est intéressant de travailler avec plusieurs labels, chacun permet de mettre en avant un style particulier.
Par rapport à mon nouveau label Super 95, c’est une structure que je garde pour une de mes facettes, des projets un peu atypiques, plus liés à une pratique artistique, qu’aucun label ne peut mettre en valeur car ce ne sont pas dans leur ligne éditoriale. Donc, oui, cela va différer par rapport à mes tracks techno habituels. Ce sont deux processus complètement différents. Ici, j’aimerais que Super 95 puisse offrir une liberté de création – au sens large du terme -aux artistes invités et à moi-même.
SOUS ENTENDS-TU QUE SUPER 95 EST UN LABEL PLURI-DISCIPLINAIRE ?
J’ai effectivement envie de pouvoir entremêler plusieurs arts entre eux quand cela a du sens. Mettre en lien la musique électronique avec des livres par exemple, ou de la photographie comme c’est le cas ici mais aussi l’art vidéo, ou le dessin. Je crois qu’il s’agit aussi de replacer ce type de musique dans l’histoire de l’art à laquelle elle est très attachée. Comme ligne directrice on parlera de collaborations, de dialogues entre les disciplines. Il s’agit de permettre à des artistes de créer d’autres formes de support à l’écoute et la réception de cette musique.
Moi-même, j’accorde beaucoup d’importance à la manière dont on transmet par des formes artistiques. J’ai passé cinq ans dans une école d’art où on se rend vite compte que tout a du sens. Ce n’est pas un hasard si je porte une attention particulière au choix des titres de mes morceaux. Parfois c’est un message, parfois un sentiment. Pour mon EP sur Dekmantel par exemple, I will Be Your Mapple Pecan Tonight, l’ensemble des titres du disque a été longuement réfléchi, pour que cela crée une petite histoire… Le titre est important car c’est un des moyens à travers lequel on peut saisir un morceau et sa poésie. “Ad infinitum”, par exemple, est un morceau qui tend vers l’infini, avec une impression de montée perpétuelle. Il fallait un titre qui accompagne ce sentiment d’escalade. Il n’aurait pas eu le même impact, la même singularité s’il s’était appelé “Banana Split”.
PEUX-TU NOUS EN DIRE DAVANTAGE SUR TON PROCHAIN ALBLUM DISCONNECTIONS ?
C’est un LP de 10 tracks créés en avion et accompagnés d’un petit album photo. Quand on est en tournée, on passe beaucoup de temps dans les transports. Entre deux voitures, trains ou avions, il y a toujours beaucoup de moments d’attente. Je me retrouve donc souvent seul à déambuler dans les espaces car la vie de DJ ne s’arrête pas à la fin de la soirée. Je cherche à rendre visible cet état de vacuité en immortalisant le silence des entre-scènes, le vide, l’attente. Un côté dramatique exagéré ressort de quelques clichés pris avec mon vieux nikon fm2, mais la solitude ne me dérange pas en soi et j’aime la transformer, la faire passer du côté passif au côté actif. De cette manière-là elle apporte quelque chose de positif tout en partageant, de la façon la plus poétique possible, une réalité qui ne l’est pas toujours.
POURQUOI AS-TU CHOISI CETTE PHOTO DE COUVERTURE ?
Cette photo est un carrefour important à Tokyo. Une ville que j’aime énormément. Elle était intéressante au niveau du cadrage, avec cette courbe et cette diagonale qui traverse l’image, cela donnait une dynamique visuelle, tout en dégageant un aspect un peu contemplatif et posé, avec cette lumière matinale et les gens qui marchent. C’était celle qui reflétait le mieux l’univers de l’album. C’était aussi celle qui se détachait le plus du lot, comme si sa place avait vraiment été pré-définie.
TU AS PRODUIT TOUTES TES TRACKS EN AVION, PEUX-TU EXPLIQUER CE PROCESSUS SINGULIER ?
Je m’assois dans l’avion je mets mon casque et je m’isole un peu du monde. Je ne vous cache pas que les moyens manquent, car je fais tout sur mon ordinateur et sachant que certains vols sont très courts, le challenge est de produire un maximum de choses en un minimum de temps. Sur cet album, ma production est entièrement numérique et j’ai eu la chance d’affiner mes morceaux au studio Red Bull à Paris. Finalement, je suis attaché aux mélodies qui s’étendent sur des petites plages. Il y a une harmonie qui peut se dessiner, ce qui n’est pas toujours le cas quand je suis en studio avec mes machines. Comme je fais essentiellement du live, je débranche et rebranche mes machines au fil des week-ends, mais ce ne sont jamais exactement les mêmes donc jamais un résultat déjà connu. J’aime travailler de cette manière-là, mais par la contrainte de la production en avion, j’ai trouvé une cohérence stylistique qui me manquait pour produire un LP.
TU PRODUIS DONC UNE INSTALLATION AU RED BULL MUSIC ACADEMY FESTIVAL CE SAMEDI, PEUX-TU NOUS EN DIRE PLUS?
C’est une installation qui présente les différents aspects de cet album. On y retrouvera quelques morceaux du disque dans des versions étirées et spacialisées sur 24 hauts parleurs ainsi qu’une projection de diapositives et une vidéo. On y croisera aussi l’attente et l’incompréhension propre à mon expérience des terminaux aéroportuaires. Et puis de la couleur, beaucoup de couleur !
UN DERNIER MOT ?
L’émotion dans la musique, « more light » .