La notion d’”outsider house” semble un peu biaisée, elle répond essentiellement à un besoin de codification plus que jamais rassurant dans l’industrie actuelle et dont les différents acteurs de la presse spécialisée se sont fait une joie de reprendre. Faire l’apologie du DIY qui finalement a toujours été présent dans l’histoire de la house et de la techno s’avère être un lieu commun bien trop fréquent aujourd’hui, cependant, il revient en force et se fait le porte-drapeau d’un certain conformisme que peu de labels à la ligne directrice bien affirmée arrivent à éviter. Ainsi, nous ne qualifierons pas Berceuse Héroique de label d’outsider house, car le terme est bien trop approximatif aujourd’hui.
En 2013, Berceuse Héroique envahissait les Best Of de fin d’année des grands médias de la musique électronique comme l’un des meilleurs jeunes labels, et ce à juste titre. L’enseigne avait eu la bonne idée d’inviter des talents inconnus ou presque à s’illustrer sur les premières sorties et les morceaux étaient tout simplement monstrueux. Manuel Gonzales, le jeune talent de Détroit, avait fait éclat avec son Ep “ Blunt Run“ au même titre que le producteur russe Gesloten Cirkel ou encore l’artiste phare du label Ekman. Deux tracks par EP, à chaque fois plaqués sur un disque de 180 grammes. Une règle simple dédiée au confort du DJ ou du simple auditeur qui souligne d’autant plus la qualité de la musique délivrée à défaut d’être expansif quant aux informations délivrées. Les jeunes pousses parues sur BH sont aujourd’hui toutes prisées par les labels, cependant, ce qui séduit dans cette structure c’est qu’elle semble donner beaucoup de sens au travail des artistes et réciproquement.
Si Berceuse Héroique ne se limitait qu’à sortir des new-comers, on pourrait se dire que le label apporte simplement de la nouveauté. Non, l’enseigne londonienne ratisse plus large et puisqu’en 2014 elle ressortait un morceau de Dego sous son alias Cousin Coakroach accompagné d’un track de Max D. Le label a aussi récemment sorti une réédition d’un remix bien UK signé Horsepower Production accompagnée d’un track du prolifique Beneath. Ces sorties hors séries signalées par des 0.5 sur les références du catalogue représentent une passerelle intéressante entre la mise en avant d’un patrimoine musical et la volonté d’apporter de l’eau au moulin avec des productions modernes.
En parallèle ΚΕΜΑΛ, la sous-structure du label sort du giron club pour proposer des rééditions de musiques plus anciennes accompagnées de réinterprétations bien avisées replaçant les oeuvres dans notre contemporanéité . La première sortie était un album de musique rituelle grecque accompagnée de remixes de l’artiste noise Pete Swanson ainsi que de Vatican Shadow. La seconde sortie était une oeuvre conceptuelle du percussionniste Charles Hayward basée sur le travail de Marc Rothko et agrémentée de remix de Maxmillion Dunbar et Jd Twitch. Les deux sorties ont bénéficié d’artworks effectués par Will Bankhead, le boss de TTT, tandis que les masterings auraient été faits entre autres par Dubplates & Mastering et le sorcier des studios Tobias Freund. Berceuse Héroique n’est donc pas simplement un label proposant de la nouveauté, mais une jeune structure qui construit des ponts complexes entre la musique au futur, au présent et au passé.
Le parti pris et l’esthétique maitrisée du label sont du meilleur effet. Gizmo pour les intimes, également connu sous le nom de Kemal, semble savoir bien s’entourer et savoir où il veut aller. Discret dans les médias, mais toujours pertinent dans sa sélection que ce soit sur le label comme lors de ses sets, il mérite amplement les lauriers récoltés ces derniers mois. De notre côté on salue l’anticonformisme, la volonté de mélanger des genres et celle de prendre des risques qui semble avoir échappé à beaucoup d’acteurs de cette scène aujourd’hui.
– Salut Kemal, peux-tu te présenter?
Je suis pauvre, moche et misérable.
– Peux-tu nous expliquer un peu d’où vient Berceuse Heroique? D’où vient le logo?
Berceuse Heroique a commencé lorsque j’ai bougé à Londres. J’avais un job de merde et au lieu de me suicider, j’ai pris mes dernières économies et j’ai pressé deux disques. Ça a fonctionné et je continue depuis. Le logo c’est un truc que j’ai trouvé dans un bouquin à propos du percussionniste de Neu. Peut-être que cela signifie quelque chose, peut-être que cela ne veut rien dire du tout.
– Berceuse Héroique était le nom d’une pièce musicale composée par Debussy dans le cadre d’un hommage au roi belge commandé par Hall Cain. Pourquoi avoir choisi un tel nom ?
Il n’y a aucun lien ou concept. Cette oeuvre est plus ou moins la seule oeuvre musicale qui me calme : je peux être vraiment très nerveux.
– Comment choisis-tu les artistes que tu signes sur BH ? Comment penses-tu la direction artistique du label ?
Si tu fais des beats de fou et que ton manager ou ta petite amie ne me casse pas trop les couilles, tu peux sortir chez nous. J’ai demandé à Gesloten Cirkel et Ekman de me donner des tracks, mais de temps en temps les gens m’envoient de très bonnes démos donc je n’ai pas à demander. Il n’y a aucun concept derrière les sorties. S’il y a une grosse vibe dans le track, on le foutra sur un vinyle.
– Tu en es déjà à deux parutions sur Kemal qui est le sous-label de Berceuse Héroique, quelle est la différence entre la structure et la maison mère? Dans quelle mesure le sous-label est-il différent des hors-séries que tu fais de temps à autre?
L’autre label n’est pas destiné aux musiques dansantes.
– Récemment on a pu trouver des posters dans les disques que tu sortais. Dans quelle mesure penses-tu à l’esthétique visuelle de ton label? Penses-tu que la forme puisse avoir une valeur ajoutée sur le fond?
Il n’y a aucun concept avec les posters. Je n’ai pas les moyens de faire des pochettes et un bon ami peut me faire des visuels gratuitement donc j’ai fait ces affiches. Lorsque j’aurai de l’argent, on fera de véritables pochettes. Il n’y a aucun sous-entendu derrière Berceuse Héroique. Je suis trop stupide et je n’ai pas le temps pour ça.
– De quel label te sens-tu proche aujourd’hui?
Factory.
– Peux-tu me dire quelle est l’idée derrière le Phonocast que tu nous donnes?
Quelques tracks cools avec un café de merde. J’ai également utilisé une Cdj, ce n’était donc pas uniquement vinyles, et si tu n’aimes pas tu peux toujours aller te faire mettre avec un pic à glace trempé dans de l’acide.
– Quels sont tes prochains projets?
La mort et la famine.
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The Outsider House’s concept seems to be a little bit biased mainly because of a codification need reassuring the industry actors with the specialized media leading the way. Praising the DIY way which was always present in house and techno history seems to be a platitude more than ever back in force today and hiding a lot of conformism that only few labels with a clear guideline seems to avoid. We won’t use this term to qualify Berceuse Héroique, which way too approximative nowadays.
End of last year Berceuse Héroique invaded all the “Tops” from the main media linked to electronic music as one of the labels to watch carefully. These compliments were well deserved; the imprint had the good idea to invite almost unknown talents to release huge tracks. A simple recipe which worked brilliantly with the “Bunt Run” Ep from the gifted Manuel Gonzales, or as it also worked with the obscure Russian producer Gesloten Cirkel and the main artist of the label Ekman. On each release, you could find two tracks pressed on an 180gr piece of wax, a simple rule dedicated to the dj and listener comfort which underline even more the quality of the musique released for lack to be too chattering. Few months after the label starts the young guns released on the labels are all highly demanded by the industry. However, we think that the British imprint seems to give a lot of meanings to their work and reciprocally which end to a consistent whole.
If Berceuse Héroique would only release new-comers, it could be easy to assert that the label is new and focus only on new things. No, the London-based structure see wider, this year it reissued a massive track from the Broken beat master head Dego as Cousin Cockroach with a new track from Max D. The label also released a UK remix from Horsepower Production with a new track from the prolific Beneath. These releases characterized by 0.5 on the catalog number build bridge between a still relevant legacy known by some happy few and a desire to put forward something new
At the same time, ΚΕΜΑΛ, the sub-structure of the label explore music outside of the club field offering reedition for of old music with reinterpretation by astute and wise artists connecting these old works to our contemporaneity. The first release was a Greek ritual Music LP with relevant remix from the American noise artist Pete Swanson and Vatican Shadow. The second one was a work, from the percussionist Charles Hayward, based on Marc Rothko’s work with remix from Maxmillion Dunbar (Max D) and Jd Twitch. The two releases benefitted from artworks provided by Will Bankhead, TTT’s Boss, whereas the mastering was done by Dubplates & Mastering and the studio Wizard Tobias Freund. BH Is not simply a label offering new music, but a structure which brings interesting and complex bridge between past, present and future music.
The mastered aesthetic and the orientation of the label are admirable. Gizmo alias Kemal seems to know how to be well surrounded and where he wants to drive his imprint. Discreet in the medias but always relevant in the music he provides he seems to deserve the award harvested recently entirely. On our side we appreciate the nonconformism, the way to mix genres and to take risks which seems to be forgotten by a lot of people.
– Hello Kemal, Could you present yourself?
I’m miserable, ugly and poor
– Could you explain us how did you came to create Berceuse Heroique? What is the meaning of the logo?
Berceuse Heroique started when I moved in London. I had a shitty job and instead of committing suicide I got my last money in the bank and released two records. It went ok, and I still do it. The logo is something that I found in a book about the drummer of Neu. Maybe it means something, maybe it means nothing at all.
– Berceuse Héroique was the name of a piece of music, composed by Debussy, which was ordered by Hall Cain for a tribute dedicated to the Belgian King. Why did you choose such a name? Is there any link with this story?
No links, no concepts. That tune is the only piece of music that can make me be calm, and I can be edgy as fuck.
– How do you choose the artists you invited to release on BH? Some of them already made several Eps on the label.
If you make some sick beats and your manager or your agent or your girlfriend is not busting my balls, you can release with us. I asked Gesloten Cirkel and Ekman to give me some tunes but sometimes people are sending me very good demos, so I don’t have to ask. There is no concept behind the releases. If it has a heavy vibe, we gonna cut it on wax.
– You already did two release on Kemal which is a sublabel of BH, what are the difference between this structure and the parent entity? In which way the sublabel is different to the “0.5” release you’re sometimes doing?
The other label is for non-dance music stuff.
– Recently we could find some posters inside records you released. In which way are you think the visual aesthetic of your label? Do you think that the shape could bring a deeper meaning to the content?
There is no concept behind the inserts. I don’t have money for sleeves or a good friend that will do the artwork for free, so I did these inserts. When we get some money, we gonna do proper sleeves. Also, there is no meaning behind BH. I’m dumb, and I don’t have time for that.
– From which label do you feel close nowadays?
Factory
– Are you self-distributed, if yes, why did you choose this way to sell your records?
We have distribution through Honest Jon’s, and we love it.
– Could you tell us the idea behind the mix you delivered to us?
Some proper tunes and some shitty coffee. I also used a cdj, so it’s not “100 % vinyl” and if you don’t like it, you can go fuck yourself with an ice pick drenched in battery acid.
– What are the next projects in the pipeline?
Death and starvation