Teebs revient 4 ans exactement après son premier album Ardour, véritable bijou de l’écurie Brainfeeder. Mtendre Mandowa, de son vrai nom, n’a pas chaumé durant ces dernières années avec la sortie d’une compilation d’inédits en 2011, « Collection 01 », ainsi qu’une fructueuse collaboration avec Prefuse 73 sous le pseudonyme de Sons Of The Morning pour le lancement de son label Yellow Year Record. Peintre et graphiste de talent, il a également monté plusieurs expositions de ses oeuvres que l’on peut aussi retrouver dans les artworks de ses pochettes d’albums.
Fort de toutes ces expériences, Teebs nous offre avec ESTARA un moment de pure réflexion, de détente et de contemplation. Différent de Ardour, ce deuxième album pour Brainfeeder est inévitablement marqué par son expérience au sein de son projet avec Prefuse 73, un morceau est d’ailleurs intitulé « SOTM » (qui sont les initiales pour Sons of The Morning). On y retrouve cependant les ambiances chères à Teebs où harpes et pianos se mélangent à des couches sonores lancinantes et atmosphériques évoquant parfois Boards of Canada ou Brian Eno.
Teebs semble ici sculpter son univers sonore plus profondément, plus précisément. On retiendra notamment la finesse et la richesse sonore, harmonique et mélodieuse de morceaux comme « Holiday » où des voix sensuelles, noyées sous une pluie d’éléments atmosphériques, se posent comme pour nous conter une chanson d’amour issue d’un autre temps, d’une autre dimension.
« Piano Days » et « Piano Months», avec leurs quelques accords de piano, un souffle évoquant les plages californiennes et un beat minimal, offrent également une simplicité et un sens de l’harmonie remarquable.
Jouant volontiers d’une esthétique minimaliste et déstructurée, ESTARA semble avant tout évoquer les notions de simplicité et d’innocence à l’image de « Shoouss Lullaby », une berceuse lointaine et douce où quelques notes de guitare ainsi qu’une voix fredonnant naïvement une mélodie archaïque nous transporte dans un univers onirique et léger. Un autre exemple évocateur est la fin de « Wavxxes » où l’on peut entendre une fausse note de guitare puis des rires, comme pour apporter une distance, une pause avec une touche d’humour dans ce long voyage éthéré qu’est ESTARA. Cela convoque également quelque chose de très humain et ce lien semble ici important. Car la fluidité de l’album, ainsi que l’utilisation d’instruments acoustiques, a finalement quelque chose de très intime et de chaleureux.
Il est presque difficile de se dire que tout cela vient d’un producteur faisant de la musique sur son ordinateur et dans son appartement tant celui-ci semble articuler des espaces à l’immensité grandissante où énormément d’éléments se conjuguent en arrière-plan. Plus encore que sur Ardour, la présence marquée de l’acoustique donne le sentiment que ESTARA pourrait être un album de folk d’une autre époque, racontant une histoire sans mots mais chargée de sens.
Ce deuxième album semble en effet brouiller les frontières entre les genres mais aussi en son sein puisque chaque morceau paraît en amener un autre sans jamais se terminer vraiment.
Tout comme ces précédents opus, Teebs livre ici plus qu’une collection de morceaux, un ensemble cohérent à l’intense pouvoir d’évocation nous transportant sur quelques plages imaginaires où nous pourrions être à jamais des enfants, candides et insouciants, jouant dans la chaleur apaisante d’un soir d’été, et pour qui tout semblerait infini…
L’album est dès à présent disponible en pré-écoute sur le site de la NPR
4,5/5
Teebs – ESTARA sortie le 8/04 chez Brainfeeder/Ninja Tunes