C’est la 100ème ! A cette occasion, nous avons un invité d’envergure après lequel nous courons depuis près de 2 ans. Cet invité n’est autre que JB qui, aux côtés de Mehdi, Nicolas et une floppée de journalistes, ravit quotidiennement les amateurs de rap via l’excellent webzine l’Abcdrduson. L’Abcdrduson est depuis bien longtemps implanté dans le paysage du web français. Il ne s’agit ni d’une réponse écrite à Skyrock, ni d’un adversaire de Booska P ou autre magazines dédiés au genre. L’Abcdrduson réunit une équipe de passionnés dotés d’une belle plume, d’un sens critique exacerbé mais juste, et d’une analyse réellement approfondie. Si l’on devait vulgariser la chose, on dirait que l’équipe “intellectualise” le rap, chose que personne d’autre ne fait en France. Mais non, c’est bien plus que ça. Chaque semaine, chroniques, news et focus affluent sur le site et des entretiens hautement qualitatifs viennent très régulièrement enrichir les pages du site. On y a vu circuler les jeunes espoirs (The Underachievers, 1995), les pointures (Les Sages Po, La Rumeur, Cunninlynguists), les acteurs (Thibault de Longeville, Olivier Cachin) et même des personnalités a priori / plus ou moins en dehors du circuit rap (Pedro Winter, Feadz, Justice, Mayer Hawthorne). Et comme ce n’est pas le genre de la maison de s’endormir sur ses propres lauriers, une partie de l’équipe s’est associé l’an dernier à 187Prod pour monter Deeper Than Rap, un podcast 100% Rap US diffusé 2 samedis par mois sur Rinse France. En 2014, le webzine a frappé un grand coup en lançant son émission enregistré dans les studios de DailyMotion. L’Abcdr et ce qui gravite autour représente un travail monstre qui pourtant ne déçoit jamais.
Outkast a récemment annoncé un nouvel album, ce qui a créé un bel émoi dans la communauté des fans d’Atlanta, et du rap US de la fin des années 90 en règle générale. JB a voulu leur rendre hommage et nous a fait une playlist dédiée à la Dungeon Family qui ne se limite pas aux morceaux incontournables. Comme d’habitude, les commentaires sont aussi bons et intéressants que la musique elle-même. Mesdames, messieurs, faites places à cette “Random Dungeon Songs” !
En tant que fan et lecteur assidu de l’ABCDRduson, je vous invite sincèrement à le découvrir et souhaite longue vie au projet. Amen.
SLIMM CALHOUN – WORLDLY WAYS
Dans la Dungeon Family, les carrières sont chaotiques : Big Boi et Andre 3000 sont des icônes pop à la limite de l’entente cordiale, Goodie Mob essaie de composer avec la nouvelle vie de Cee-Lo, Future a mis une petite décennie pour exploser, et beaucoup, beaucoup d’autres sont simplement restés dans l’ombre. Slimm Calhoun, avec son petit album passé sous les radars, est de ceux-là. C’est dommage, car il avait un truc. Dans The Skinny, sa voix d’enfant âgé colle bien aux productions de Big Boi, Andre 3000 et Mr DJ (réunis sous le nom Earthtone III). Le trio le pousse à l’introspection dans le très beau “Worldly Ways”, et quand Slimm Calhoun dit “And I think about change… Think about it, think about it”, il faut bien avouer qu’on cogite aussi.
BIG RUBE – EXTREMISTS
Socle moral de la Dungeon Family, Big Rube est l’une des voix qu’on associe immédiatement à la ville d’Atlanta. Sa légende, il l’a construite de poème en poème, d’intros en interludes, de ponts en acapellas. Dans un monde parfait, il aurait déjà sorti un bel album de spoken word politique et spirituel, forcément produit par Organized Noize, les éternels gardiens du donjon. (Dans le monde réel, il a fait un morceau sur le thème de Retour vers le Futur.) Paumée au fin fond de YouTube, “Extremists” est un peu la maquette prometteuse de son chef d’oeuvre imaginaire.
WITCHDOCTOR – HEAVEN’ COMIN
Les guitares sont à la Dungeon Family ce que les samples de kung-fu sont au Wu-Tang : un sceau d’authencité (à créditer au musicien de l’ombre Donny Mathis). Il y a les guitares de desperado de “Wheelz of Steel”, les guitares hurlantes de “Gasoline Dreams”, la basse subtile de “Thought Process”. Dans “Heavin’ Comin”, la guitare n’est plus instrument, c’est un animal blessé qui attend son heure. Ajoutez ces violons dramatiques, le rap vaudou de Witchdoctor, ces choristes descendues du ciel, et vous avez un patchwork parfait du son Dungeon Fam’, toujours en suspension entre le réel et le monde de l’âme.
WILLIE ISZ – IN THE RED
Les années 2000 ont été marquées par quelques tentatives de revival du son Dungeon Family. Le groupe Cunninlynguists y a consacré une bonne partie de sa carrière et en 2007, l’éngimatique Jneiro Jarel signera un album commun avec Khujo de Goodie Mob. Un disque séduisant mais bancal, beaucoup trop foutraque pour vraiment donner envie d’y revenir. Le temps fort restera “In The Red”, jolie adaptation du son Organized Noize, sur laquelle Khujo se prend à rêver d’un monde meilleur, les pieds dans la terre rouge de Géorgie.
BIG BOI – RESET
OutKast a toujours été très fort pour faire de la musique humide. L’élément liquide est constant dans leur discographie, du grand plongeon au début de “Mainstream” (ATliens) à la bouteille qui se remplit en boucle dans “?” (Stankonia). Dans “Reset”, il n’y a pas d’eau, mais chaque son semble quand même sorti d’un marécage. Une parenthèse cérébrale et étrange au milieu de la block party galactique qu’était Speakerboxxx, l’album Ying de Big Boi.
DUNGEON FAMILY – WHAT IZ RAP ?
C’était presque prévisible : l’album de la Dungeon Family, sorti fin 2001, a fait un flop. Le collectif se délitait, mais avait quand même préparé un vrai festin : des envolées épiques de Cee-Lo, une fanfare, des costumes médiévaux… Et ce grand moment : “What iz rap?”, une passe d’arme entre Witchdoctor et Big Rube. Encore une fois, les arragements sont fantastiques : la production navigue entre tension (la basse), exploration spatiale (la sirène) et hallucinations (les guitares), pendant que chaque rappeur y va de sa définition du rap. Très grosse entrée de Big Rube à 1 minute 37.
GOODIE MOB – STILL STANDING
“Still Standing” appartient à la catégorie des chansons parfaites. Les chansons parfaites, ce sont les chansons qu’on ferait si on était nos idoles, parce qu’on sait évidemment mieux qu’elles-mêmes ce que doit être leur musique. Parfois, ces chansons existent vraiment, et on les trouve, pile au bon endroit, pile au bon moment. En l’occurrence : la dernière plage du deuxième album de Goodie Mob, pour un très grand titre sur la résilience, thème éternel du rap. Un véritable sommet que le groupe n’atteindra plus jamais.
FIELD MOB FT. CEE-LO – ALL I KNOW
Shawn Jay et Smoke n’appartiennent pas à la Dungeon Family, mais ils font partie de ces groupes d’Atlanta qui, par leur configuration, auraient pu profiter de l’appel d’air provoqué par OutKast au début des années 2000. “All I Know” doit sa place dans cette playlist à la présence de Cee-Lo, qui entonne ici le refrain de sa vie, comme un adieu flamboyant à sa première carrière (la deuxième l’emmènera de Gnarls Barkley à un fauteuil dans The Voice). Dix points de Dungeon Credibility accordés pour l’orgie de guitares en arrière plan, toujours irrésistible.
BUBBA SPARXXX FT. KILLER MIKE & COOL BREEZE – CLAREMONT LOUNGE
Héraut du country rap, le rappeur de LaGrange (30 000 âmes) a toujours entretenu un lien avec la Dungeon Family. “Claremont Lounge”, titre anecdotique-mais-cool paru sur la compilation de Big Boi en 2005, coïncide avec ce moment où le rap d’Atlanta donnait naissance à un sous-genre au nom fantastique : l’Intimate Club Music (à ne pas confondre avec la Pelvic Music de Diddy). Le principe : du rap ultra-salace et des sons ultra-minimaux (ce morceau en constitue l’apogée). Organized Noize utilisent le format pour faire une master class de production : l’instrumental est réduit à son plus simple appareil. Un vrai strip-tease sonore, complétement synchro avec son contexte.
ANDRE 3000 – EDEN (SNIPPET)
L’été dernier, en plein 14 juillet, Andre 3000 a balancé sur le net un court extrait de son futur album. Avec un line up totalement oligarchique (Beyoncé ! Nas ! Frank Ocean !), un titre qui devrait être absolument être le titre de l’album (“Andre 3000, Eden”), un refrain mortel, et un solo de piano solennel qui semble n’attendre que Drake (qui, rappelons-le aux lecteurs de ce blog, est un artiste d’exception)… Bref, “Eden” avait tout pour être l’équivalent musical du trailer de Cloverfield. Bizarrement, le son n’a pas fait basculer le monde de la pop sur son axe, et ce teaser est resté lettre morte à ce jour (note : toujours se méfier de la ponctualité des rappeurs qui s’appellent Andre). Le revoici pour mémoire, en espérant un jour entendre la suite.