Nombreux sont les projets musicaux qui minimisent l’image et les apparitions médiatiques depuis la moitié du vingtième siècle, mais bien peu y parviennent avec autant de maîtrise et complexité que Dopplereffekt. Nébuleuse en provenance de la rive Est de Détroit, ce groupe, a priori à géométrie variable, fournit depuis 1995 une electro-funk robotique à forte connotation idéologique, technologique et scientifique. Penchons-nous en quelques mots sur un des plus germaniques des actes techno américains.
Formé en 1995 et bénéficiant de sa propre structure de distribution musicale, Dopplereffekt se forme autour de la personnalité de Gerald Donald sous le pseudonyme de Rudolf Klorzeiger, déjà à l’origine de Glass Domain et – surtout – de Drexciya aux côtés de James Stinson, décédé en 2002. Il est pratiquement impossible de lister tous les projets auxquels Donald aurait participé, les informations recueillies ici et là proviennent plus de rumeurs que de faits avérés. Toutefois, on peut clairement l’associer aux groupes Der Zyklus, Arpanet, Japanese Telecom, ainsi qu’aux productions et remixes d’Heinrich Mueller et Dr. Finn & Dr. Otto Henke.
Du côté de l’image, Dopplereffekt emprunte de nombreux codes iconographiques dont l’esthétique humanoïde de Kraftwerk (le cover art du 12″ de Sterilization en 1997), en poussant toutefois le concept scientifique à son paroxysme. Là où Gerald Donald crée au sein de Drexciya, avec James Stinson, une mythologie inspirée de l’Atlantide mêlée à un imaginaire de science-fiction, il développe au sein de Dopplereffekt l’image d’une musique émanant directement de la technologie et des progrès scientifiques. La vidéo promo de la compilation Gesamtkunstwerk, parue en 1999 sur International Deejay Gigolo Records, montre Gerald Donald et Michaela To-Nhan Bertel en combinaisons blanches interpréter (si on peut vraiment parler ainsi) “Scientist” dans un laboratoire. Nombreuses sont les références dans leurs albums à la physique des particules (“Myon-Neutrino”, “Z-Boson”, “Higgs-Mechanism”) et à la théorie des cordes (“Calabi Yau Manifold”).
Musicalement, on distingue plusieurs phases : les EPs Fascist State, Cellular, Infophysix et Sterilization, publiés de 1995 à 1997 par leur propre structure Dataphysix Engineering, développent un son clairement electro-funk déjà rétro pour leur époque, mais avec une dimension mécanique, robotique et idéologique alors inexistante dans cette musique. Regroupés pour la plupart sur la compilation Gesamtkunstwerk en 1999 sur International Deejay Gigolo Records, ces morceaux puisent dans le Kraftwerk de “Numbers” et le premier album de Cybotron.
La sortie de Gesamtkunstwerk, littéralement “Art absolu”, est suivie quatre ans plus tard par Linear Accelerator qui voit un changement global du son Dopplereffekt, désormais beaucoup plus élitiste et expérimental et constitué de long morceaux dénués de rythmiques, laissant d’avantage de place aux ambiances. C’est dans cette lignée que sort Calabi Yau Space en 2007, toujours sur International Deejay Gigolo Records. On peut sans doute expliquer ce changement assez radical grâce à la multiplication des projets à sonorités electro de Gerald Donald, décidément prolifique, qui sort des albums sous les noms de Japanese Telecom et Arpanet, l’album d’Abstract Thought en 2003, de nombreux EPs avec Der Zyklus dont l’album Biometry paraît en 2004 sur Clone et, enfin, une trentaine de remixes sous le pseudonyme d’Heinrich Mueller pour DJ Hell, The Hacker et DJ Stingray entre autres.
Toujours en activité, Dopplereffekt revient avec son EP Tetrahymena, sorti vers la fin de l’été 2013 sur le label berlinois Leisure System, ainsi qu’une collaboration avec le chilien Visiona sur son 12″ Die Reisen sorti en janvier 2014 sur Last Known Trajectory.