4,5/5
Trevor Jackson change de registres comme de chemises. Présent depuis le début des 90’s sur la scène hip hop-dub-psyché britannique sous l’alias The Underdog – Playgroup pour l’Acid House – le papa d’Output Recordings (Four Tet, The Raptures, LCD Soundsystem, …) a encore une fois retourné sa veste en pondant le deuxième volet de son dernier projet, les compilations Metal Dance . Un peu plus d’un an après la sortie du premier double-album, il nous renvoie au milieu des années 80, dans une guerre froide qui a envie de danser.
Nom générique emprunté au morceau du groupe SPK, la Metal Dance est une musique de l’ombre ; c’est, en bref, une techno d’usine automobile en construction, de nuances new wave glacée tendant vers une house pluvieuse et grasse ; un dance-floor disco collant et humide de transpiration, de métal rouillé et de bières chaudes en cannette. Il y a de la désillusion post-punk et de l’industrial, un vague paysage de taule sous un ciel de nuages gris. Ici, les potards sont martyrisés de la première à la dernière seconde ; les batteries sont métissées, les claviers en arpeggiator constant, les guitares grinçantes, les voix robotiques ; un fatras de deux heures qui nous transportent, avec un goût de mauvais rêve, dans une musique du futur version passée.
On est hypnotisé par cet hymne house de Damas “Tanki Tanki (Rabih Beaini Edit)” – Rene Bandaly Family, effrayé par cet ivrogne déblatérant des insanités la bouche pleine de vomis “Deadline (400 Blows Remix)” – Skinny Puppy, transporté tout entier au milieu d’une foule captivée par un chant totalitaire du 1984 d’Orwell “Necrosis En La Poya” – Esplendor Geometrico, à soulever de la fonte dans les sous-sols d’une salle de sport de Demolition Man “Over The Shoulder” – Ministy ; alors des liens évident se tissent avec la musique de notre génération : il y a du LCD Soundsystem (justement ?) dans “Jump Over Barrels” de Crash Course In Science et des mélodies house sur un quart des titres. Les morceaux ne nous sont pas inconnus et pourtant on ne les a jamais entendu. La Metal Dance n’est finalement pas si loin de nous. Elle nous saisit au cœur pour ne jamais nous lâcher et on se prendrait presque de mélancolie pour notre souci de généalogie, pour cette rencontre antérieure fantasmée ; pour l’illégitime d’un genre qui n’a jamais complètement trouvé sa place.
Jackson ne partage pas seulement ses disques, il nous pousse dans le vide d’une ambiance et d’un style musical oubliés de ses contemporains et inconnus de la jeunesse actuelle. Une funk acide couverte de pétrole qui ne veut décidément pas arrêter de danser.
Retrouvez la compilation sur iTunes
Trevor Jackson est l’un des invités de la soirée Odd Frequencies organisée par le label Get The Curse, qui aura lieu le vendredi 13 Décembre à La Gaîté Lyrique. Pour plus d’informations, rendez-vous sur l’event Facebook.