S’il y a un titre qui a marqué à jamais l’histoire de l’EDM c’est bien “Jaguar” de Rolando. Que l’on soit expert en la matière ou simple profane ce titre fait parti aujourd’hui du patrimoine des musiques électroniques. A chaque passage sur un dancefloor le track fait l’unanimité, cependant il serait très réducteur de résumer le travail de Rolando au plus gros tube de toute l’histoire de la techno de Détroit. Virtuose aux platines et producteur de hits à l’instar de “Shining Path” ou de “Aztec Mystic”, le charismatique a aujourd’hui changé ses modes de vie: il ne vit plus à Detroit, ne fait plus partie de Los Hermanos et n’est plus affilié au collectif Underground Resistance. Nous avons profité de notre partenariat avec le Rex Club et la soirée Bass Culture du 20 avril pour questionner cette personnalité historique de la Techno.
DJ Rolando – The Aztec Mystic (UR35)
– Bonjour Rolando, peux-tu te présenter?
Je suis un Dj et producteur de Techno originaire de Détroit, vivant depuis 2004 à Edimbourg, en Ecosse.
– D’où viens-tu à Detroit? Le quartier où tu as grandi a t-il influencé ta carrière ?
Je viens du sud ouest de Détroit, le quartier hispanique. Je ne connais pas d’autres Dj/producteurs issus de mon quartier, mais j’ai certainement été très influencé par les rythmes latinos.
– Qu’as-tu appris en grandissant là-bas ?
J’y ai appris ce que tout le monde apprend là-bas: à prendre son destin en main.
– Comment es-tu arrivé chez Underground Resistance ?
Par un ami.
– Lorsque tu faisais partie du label UR, la notion de militantisme et d’engagement politique était-elle déjà présente ou est-elle apparue après ton départ ? Quand tu fais partie d’un tel collectif, quelles sont tes obligations?
Il n’y avait aucun militantisme ou aspect politique. En tout cas rien auquel j’ai participé. Il n’y avait pas d’ennemi public, « don’t believe the Hype » ! Des obligations ? Sérieusement ?! Aucune. C’était un label, ni plus ni moins.
– Penses-tu qu’aujourd’hui la musique électronique suive encore une tendance politique ? Même à Détroit ?
Je ne pense pas qu’elle en ait suivi une un jour. Je ne peux pas imaginer qu’on ait pu solliciter Juan, Derrik, Kevin ou Carl dans ce sens. Il n’y avait aucun militantisme, aucun aspect politique, on ne cherchait pas à dissimuler notre identité. Porter un masque servait à créer une marque, était un argument de vente. Je n’ai jamais porté de masque ou caché mon identité.
– Penses-tu que cette bataille contre les médias, cette volonté de rester underground soit très pertinente aujourd’hui ? Même Mike Banks donne désormais des interviews, peut-on le voir comme un changement d’ère ? Quelle est ton opinion sur la musique et les nouveaux médias ?
Bataille contre les médias ? Underground signifie seulement qu’on ne suit pas le courant principal. Mike Banks et ses interviews… et bien je suppose que de faire partie de l’« enigmatic » ne suffit plus. Il doit donner des interviews pour vendre sa musique.
– Comment les problèmes avec Los Hermanos et UR ont-ils pris fin ? La manière dont tu gères désormais ta carrière est-elle plus simple ?
Je suis parti pour une raison. M’éloigner de tout cela a été simple et libérateur. C’est l’une des meilleures décisions que j’ai prises dans ma vie. L’UR c’était comme une mafia. Une fois chez eux, tes fans ne veulent plus que tu partes. J’essaie toujours de me détacher d’UR. Evidemment, depuis, j’ai travaillé avec plusieurs labels compétents et passionnants tels que Delsin, Ostgut Ton, Saved, NRK. On ne pose pas ces questions à Jeff Mills ou Robert Hood. J’aimerais connaître leur secret.
– Tu ne vis plus à Détroit mais à Edimbourg. Pourquoi as-tu quitté Détroit ? Pourquoi as-tu choisi Edimbourg ?
Ma femme vit à Edimbourg et maintenant c’est chez moi. J’aime aussi vivre en Europe.
– Tu as sorti quelques EP sur des labels européens tels que Saved ou Ostgut Ton. As-tu déjà pensé à créer ton propre label ?
Oui avec Gerald Mitchell, aka Los Hermanos.
– Est-ce facile d’être toujours associé à “Knights of the Jaguar” et dans un sens à UR ?
Je suis fier de Jaguar, mais je fais aussi autre chose, et oui il y a toujours tellement de choses à dire à ce sujet.
– Le son de tes récentes productions est moins tourné vers les musiques latines comme à tes débuts mais plutôt vers la house (sur le titre “The Shining Path” ou “Mi Roza” par exemple), comment penses-tu avoir évolué ?
J’aimerais penser que je peux devenir un artiste et que mon son se développe depuis 20 ans. Je fais la musique que j’aime sans essayer de correspondre à un genre de techno ou de house. Ça vaut ce que ça vaut.
– Que doit-on désormais attendre lorsque l’on voit un set de Rolando ?
Mon style a été décrit comme exubérant, plein d’énergie, mariant différents styles de musique. Le travailler et créer quelque chose de spontané et de nouveau qui est dans l’instant.
– Tu viens d’un endroit où la house et la techno ont été inventées mais où elles n’ont jamais été appréciées à leur juste valeur. En France, où cette musique connaît un grand succès, quasiment tout le monde observait ce qui se passait aux Etats-Unis. Penses-tu qu’en terme de création, le fait de ne pas avoir de modèle soit une bonne chose ?
Je dirais que la House et la Techno ont eu du succès, mais pas la reconnaissance de la presse grand public. C’est resté quelque chose de différent. J’ai toujours senti que j’étais d’abord et avant tout un Dj et ensuite je suis devenu un producteur lorsque je vivais déjà en Europe. L’underground ne l’était pas vraiment en Europe. La Dance était très présente. En terme de création… non. Je ne m’associais pas à ce qui se passait aux USA avant 2004, parce que je voulais faire quelque chose de nouveau.
Nic Fanciulli & Rolando – The Test [Saved Records]
– Penses-tu toujours appartenir à la scène de Détroit ?
Non j’ai laissé Detroit et sa scène derrière moi quand j’ai quitté le pays en 2004.
– Sur quoi travailles-tu ces derniers temps ?
Je sors un EP chez Ostgut Ton en mai 2013, Delsin & Skudge et un titre chez MDR Various Artist. Egalement des remixes pour D’julz (Bass Culture), Mush (Technorama) et Illario Alicante (Pushmaster Discs).
– Lorsque tu as commencé à faire de la house et de la techno à Détroit, pensais-tu que cette musique connaitrait une telle renommée? Quelle est ton attitude face à cette industrie ?
J’ai ma marque mais chaque jour est un défi, Je dois continuer à me prouver que je peux rester compétent – comme tout le monde.
– Que dirais-tu à un jeune producteur qui se lance dans la techno à Détroit ?
Je n’ai jamais été bon à donner des conseils.