Du 7 au 9 Septembre 2012, la place de l’Europe à Lausanne était investie par un festival. Trois jours au cours desquels cette ville surplombant le lac Léman, s’enorgueillissait d’un festival porté sur les musiques électroniques: Electrosanne ! Durant ces trois jours de festivités dont nous sommes fiers d’avoir été partenaires, nous avons eu la chance d’interviewer quelques artistes prenant part à la manifestation. Parmi ceux-là figurait Prins Thomas.
Dj monumental et producteur talentueux que la presse spécialisée a à tort étiqueté « Cosmic Disco », les intéressés ont pu découvrir ses compétences par le biais de son fameux mix pour le Robert Johnson (Francfort) ainsi que par ses multiples productions et edits. Que ce soit avec son camarade Lindstrøm ou en solo, l’artiste norvégien a toujours tenu une ligne directrice irréprochable faisant dans le « rien que mieux » et évitant les lieux communs. Ce qui est impressionnant c’est qu’aujourd’hui, peu de gens dans cette industrie peuvent se targuer de faire des remixes pop qui font danser les filles et les garçons, des albums planants rencontrant un beau succès critique, et de mixer de la techno de Détroit ou de la house de Chicago sans jamais faire de concessions. Prins Thomas fait partie de ces gens-là. Nous avons donc profité de sa prestation à Lausanne pour lui poser quelques questions.
Nous remercions tous le staff d’Electrosanne et particulièrement Anouck et Dimitri pour leurs temps et leurs disponibilités. Rendez-vous l’année prochaine !
– Salut Prins Thomas peux-tu te présenter à nos lecteurs ?
Salut, mon nom est Prins Thomas, enfin pas vraiment mais les gens me connaissent mieux sous ce surnom. J’approche de la quarantaine, j’ai deux enfants et j’ai dirigé deux labels qui ont plutôt bien marché. J’ai commencé à être Dj il y a presque 26 ans et j’aime faire de la musique dans des moments de spiritisme, quand je ne passe pas mon temps à boire du vin ou avec ma famille.
– Tu as commencé très tôt ta carrière de Dj…
Ma première rencontre avec le monde du Dj ça devait être en 1984 ou 1985. A l’époque je m’entrainais juste dans ma chambre avec deux platines cd.
– Quelle a été ta motivation pour être Dj à ce moment-là ?
Jusqu’aussi loin que je puisse m’en rappeler, j’ai toujours aimé écouter de la musique. A 6 ou 7 ans, j’ai commencé à économiser mon argent de poche pour m’acheter des vinyles. Ensuite, j’ai vu un documentaire sur le hip-hop et sa culture de l’époque : le graf, la danse, le style de l’époque, le scratch, les premiers Dj… Cela m’a vraiment marqué et je me suis dit que je voulais faire la même chose qu’eux plus tard.
– Tu as donc commencé par le hip-hop ?
Oui, j’ai commencé comme Dj de hip-hop. Mais non, parce qu’à la même époque, quand j’apprenais à scratcher et à utiliser des platines, je faisais partie d’une troupe de danse folklorique norvégienne. Je jouais de la clarinette, j’apprenais la guitare et la basse, … J’ai toujours fait plusieurs choses à la fois.
– Sur ton album “Prins Thomas”, on a l’impression que tu utilises de vrais instruments, et que tout a été enregistré en une session…
C’est la vérité ! La plupart des instruments que tu entends ont été pris en live en une session. Je jouais un instrument à la fois et ce pendant des heures. J’ai utilisé des boîtes à rythme mais aussi de vraies batteries, et tout ce que je pouvais mettre dans mon « cassoulet ».
– Tu as fait partie de plusieurs groupes, ça te ne manque pas parfois l’énergie qu’il peut y avoir quand tu joues à plusieurs ?
Oui j’ai joué dans plusieurs groupes mais pas très connus. Cela m’a manqué jusqu’à ce que j’en ai marre de répéter avec d’autres, que ça me frustre et du coup que j’arrête. J’ai mon propre orchestre de neuf personnes, sans ordinateurs, sans séquenceurs, tout le monde joue de vrais instruments. C’est le Prins Thomas Orchestra et on va bientôt sortir un album. Ces répétitions là sont cools, mais les tournées à plus de dix personnes c’est plus compliqué.
– Tu as trouvé un acolyte de premier choix avec Lindstrøm…
J’adore faire mes trucs de mon côté, dans mon studio. Mais c’est cool d’avoir cet équilibre avec Lindstrøm et une fois de temps en temps jouer un autre rôle. On a fait des trucs ensemble avec The Mole qui vient du Canada. Sur ce projet on avait plus un rôle de « musicien », et The Mole lui s’occupait de tout ce qui était arrangements. J’invite aussi tout le temps des gens dans mon studio pour produire de nouveaux trucs. Je n’essaye pas de faire le maximum de collaboration avec n’importe qui, j’aime bosser avec des mecs qui ont des trucs à m’apporter. Avec Lindstrøm c’est exactement ce qu’il se passe, il m’apprend plein de choses.
– Quelle était la ligne directrice quand tu as créé Tambourin ?
Il n’y avait pas vraiment de ligne directrice mais ma motivation c’était de sortir les morceaux de mes potes et qu’ils ne galèrent pas à envoyer leurs tracks à d’autres labels. Je voulais apprendre les rouages du métier de label manager, savoir comment tout fonctionnait. J’ai fait des erreurs aussi et ça m’a servi pour l’autre label que j’ai monté ensuite, Full Pupp. Full Pupp a mis du temps à marcher, les choses se sont faites petit à petit et maintenant je m’en sors avec ce label.
Aujourd’hui, je reçois de plus en plus de bonnes démos qu’à la base je n’aurais pas pu sortir sur Full Pupp. J’ai donc créé une sorte de sous-label sur lequel je sors maintenant des trucs que je trouve super. Il y a quelques mois, un ami à moi japonais m’a envoyé un son, ça m’a tout de suite plus, du coup je l’ai sorti avec un remix d’un autre ami à moi. Ce sont de belles connexions.
– Tu es aussi connu pour tes remixes sur lesquels on sent ta patte. Ce n’est pas difficile pour toi d’être catégorisé comme un Dj disco, nu-disco alors que quand tu joues tu mixes plein de choses différentes (le Robert Johnson mix par exemple) ?
Trouver de bons beats de genres musicaux qui vont bien ensemble c’est ce que j’ai toujours fait : mêler de la transe des 90’s à de la techno actuelle. Après le fait de dire que je suis un Dj de disco ou de nu-disco, ça me va, mais ce n’est pas moi qui l’ai choisi, ce sont les gens et les journalistes. Même si on dit que je suis un Dj de « Maximale » ça m’irait !
– Est-ce que tu penses que mixer un seul genre de musique pendant toute une soirée est propre aux Djs européens ?
Tu as des Djs ennuyants spécialistes d’un genre de musique partout dans le monde ! Mais je comprends ce que tu veux dire. Quand tu joues minimale, il faut que tout reste dans les mêmes fréquences, dans le même BPM, dans la même ambiance,… Mais en même temps je comprends pourquoi les Djs de hip-hop et de R’n’B se sont arrêtés de passer des tracks de house, parce que ça ne collait plus ensemble à un moment. Je pense que tout ça est dû au fait que beaucoup de Djs ont peur de vider le dancefloor quand ils jouent des trucs différents de ce que les gens ont l’habitude d’entendre.
– Comment est la scène club en Norvège ?
Elle n’est pas très grande mais très active et très énergique parce qu’en Norvège, l’heure de fermeture des clubs est à 3h15 du matin. Au milieu des années 90, il y a eu des clubs qui restaient ouverts pour les afters mais ça a changé depuis et tout est contrôlé maintenant. Mais ce qui est bien, c’est que les gens donnent toute leur énergie et tout ce qu’ils ont comme ils savent qu’à 3h15 ils devront quitter le club.
– J’ai lu que tu disais être influencé par plein de genres musicaux différents. Est-ce facile de laisser parler toutes ces influences quand tu es en studio ?
Je ne suis pas un musicien surdoué et très habile techniquement. Ce que je fais, vient de l’inspiration que j’ai en écoutant plein de trucs différents. Je me nourris de musiques tout le temps.
– Quels sont tes projets pour les mois à venir ?
Il y a l’EP vinyle et digital du Prins Thomas Orchestra qui va bientôt sortir, puis le 29 octobre mon nouvel album solo, “Prins Thomas II”. C’est une surprise, très différent de mes albums précédents, il y a beaucoup de machines dessus qui traduisent ma vision de la techno d’aujourd’hui. Beaucoup de travail en studio aussi, des prods pour d’autres personnes, des remixes,… Plein de choses ! J’allais oublier ça aussi : tondre mon jardin et m’en occuper avant l’arrivée de l’hiver, boire du vin, apprendre à mon fils à nager avant qu’il aille à la piscine avec l’école.
– Quelle a été la demande de remix la plus folle qu’on ne t’ait jamais demandé ?
C’est facile ! Quelqu’un m’a demandé si je voulais remixer Pretty Woman de Roy Orbinson. J’ai dit non bien sûr !