Au Canada, c’est l’été indien, période qui se caractérise par une conséquente montée de mercure après un passage à froid donnant un regain de moral pour affronter le froid glacial. Les arbres prennent des couleurs aux tons jaunes et rouges transformant les nombreux chemins boisés que compte le pays en agréables sentiers propices aux ballades dominicales. L’ambiance est idyllique pour accueillir “Jiaolong” de Daphni.

Jiaolong (prononcer chiao-lung) veut en réalité dire 蛟龙 ou encore 蛟龍, ce qui signifie “un dragon aquatique”. 2 morceaux avaient déjà filtré il y a 1 an dans un EP également appelé “Jiaolong”. Dan Snaith aura tardé avant de sortir l’objet final. Mais on ne lui en tiendra pas rigueur. Le compagnon de Four Tet dont on connaît l’hallucinante culture, ses back-to-back vinyles avec lui en sont la preuve, et ses qualités de musicien ingénieux dans Caribou, fait cavalier seul avec cet album house.

Caribou implique du live, Daphni du DJ set. Et c’est pour tourner sous son propre alias et électriser les foules que le leader (peu) communiquant de Caribou, qui n’en reste pas moins une grosse tête, a mis à profit l’entre-deux périodes de studio avec Caribou pour nous pondre un skeud solo. Seulement, au lieu de bâcler un EP 2 titres incluant le remix d’un pote comme beaucoup de ses confrères, Daphni a préféré sortir 9 plages peaufinés sous un LP. Soit dit en passant, toujours comme beaucoup de ses collègues, il aurait pu en faire 4 courts formats et tourner 2 fois plus. La classe. Il a même réussi à en faire un album dance-floor hybride, jouable en club et écoutable à la maison.

Si l’homme n’a plus rien à prouver en tant que musicien, il montre également qu’il sait se démerder avec du software et sort son costume de machine à sampler du placard. Yes I know  ouvre l’album et est sans conteste son titre phare: le génial sample du regretté Buddy Miles donne un air funky et frais. Yes I know aurait parfaitement pu être un tube de l’été si “Jiaolong” était sorti avant juin. Yeye s’ensuit avec une techno mélodique qui ne donne pas dans la tech-house de bas-étage, fait assez rare pour être souligné. “Jiaolong” conserve tout de même une légère patte Caribou par ses jeux de percussions. Malgré la simplicité apparente des instrus, un gros travail a été fait sur la partie rythmique, les cymbales sont omniprésentes, empiétant parfois sur la mélodie.

Daphni a eu l’intelligence de ne pas faire de pistes à rallonge et de ne pas dépasser les 9 morceaux pour ce premier LP. Ainsi, on ne se lasse pas, on a le temps d’apprécier cette première pièce, qui n’est pas vraiment celle d’un débutant. Le LP semble disparate mais on lui pardonne, il tâtonne, on sent que son géniteur a voulu s’essayer à différents styles et techniques de musiques électroniques. Que ce soit le sampling, les sonorités tribales ou le son purement analogique de la house, il ne s’en sort pas trop mal.

Ça reste hasardeux, on le sent peu à l’aise, mais on ne s’inquiète pas, Four Tet n’est pas loin et veille au grain… “Jiaolong” est un bon premier essai et augure une belle suite.

@CyprienBTZ