Découvert en 2008 par le label Infiné, Rone a parcouru un bon bout de chemin depuis ces quatre dernières années: un premier album encensé par la presse spécialisée et la scène électronique, plusieurs maxis et remixes, des dates aux quatre coins du monde, une installation à Berlin,… Un enchaînement d’évènements positifs qui lui ont fait gagner en maturité et lui ont permis de se hisser au statut de “grand artiste”. Après plusieurs mois de studios et de travail, Rone revient le 15 octobre prochain avec Tohu Bohu, second album qui nous plonge de nouveau dans l’univers onirique et aérien d’une des figures phares d’Infiné. Rencontre avec ce personnage pour qu’il nous parle de lui et de son nouvel album
– Salut Rone, peux-tu te présenter ?
Je m’appelle Erwan Castex, je fais de la musique sous le nom de Rone et je sors mon nouvel album sur Infiné le 15 octobre.
– Tu as été repéré en 2007 sur la compilation At The Controls d’Agoria. Comment s’est fait le contact avec Infiné ?
Il y a deux versions en fait ! Infiné dit qu’il mon découvert sur internet grâce à mon Myspace, à l’époque. Mais moi de mon côté je leur avais déjà envoyé une démo. Je ne sais pas ce qu’il s’est vraiment passé mais j’ai été contacté par Agoria (notre interview ici) et Alex, l’homme de l’ombre d’Infiné. A ce moment-là, Agoria travaillait sur cette compilation et il m’a proposé de prendre le morceau “Bora” pour le mettre dessus. Ensuite, ils m’ont proposé de faire un maxi avec ce même morceau, puis on a enchaîné avec un premier album, Spanish Breakfast, et un deuxième qui sort dans un peu moins d’un mois.
– “Bora” est pour l’instant le morceau le plus connu de ta discographie. Cela ne t’embête pas qu’on ne t’associe qu’à ce track alors que tu as fait plein d’autres choses ?
Je vois ce que tu veux dire. C’est un morceau auquel je suis très attaché ; c’est sans doute la seule chanson que je peux prendre plaisir à entendre parce qu’il y a la voix d’un ami dessus ; du coup ça me surprend à chaque fois. Sinon je déteste écouter ce que je compose. On attribue souvent une chanson à un artiste, pour Agoria ça fait souvent ça avec “La 11ème Marche”.
– En parlant d’Agoria, quel rôle a-t-il eu dans ta construction musicale ?
Je dirais que ça a été comme une sorte de grand frère pour moi. Pas tant du côté artistique et de mes productions, mais plus du côté de la scène. J’ai beaucoup appris de lui comme j’ai fait mes premiers concerts à ses côtés. On est allé à Tokyo ensemble, à Singapour, aux quatre coins du monde… Il a toujours eu l’élégance de ne jamais rien m’imposer sur mes morceaux, il me donnait juste son avis.
– Mais dans l’interview qu’on a fait d’Agoria, il nous avait dit qu’il t’avait fait refaire plusieurs fois les versions de ton EP « So So So »…
J’avais oublié ! Oui c’est la seule exception, mais il a bien fait ! Il sentait que je tenais un truc, il m’a donc donné une sorte de coup de pied au cul pour que je finisse ce morceau parce qu’à l’époque j’en pouvais plus du thème que j’avais trouvé dessus.
– Comment fonctionnes-tu au niveau production ?
A l’époque j’étais énormément dans la réflexion : je me demandais constamment s’il fallait que ça sonne comme ça, si là c’était mieux, si je devais faire ça… Je perdais beaucoup d’énergie là-dedans. Pour ce nouvel album ça a été différent: je me suis un peu débarrassé de ce côté intellectuel de la musique et j’ai essayé d’être le plus instinctif possible, de faire des choses qui me parlaient et qui me touchaient. Je me suis beaucoup plus laissé aller.
– Infiné dit qu’avec cet album tu as réussi à te structurer. Tu peux nous en dire plus ?
C’est plus une méthode de travail que j’ai trouvé. J’ai compris qu’il fallait retourner aux principes primaires de la création musicale, jouer, se faire plaisir. Mais le problème c’est qu’après ça tu te retrouves avec un gros bordel, un tohu-bohu, et c’est le contrôle de tout ça qui te demande alors une vraie méthode de travail structurée, sinon tu te perds. J’ai structuré mon bordel.
– Dans quelles circonstances as-tu produit cet album ?
A la cool. Pendant longtemps je me mettais trop de pression et je me prenais pas mal la tête. Je me suis dit qu’il fallait que j’arrête de me poser trop de questions sur mon travail et que je me remette dans les conditions dans lesquelles je faisais de la musique avant de sortir mon premier album, tranquille dans ma chambre de bonne. J’y suis arrivé et ça a marché.
– Trois ans ce sont écoulés entre Spanish Breakfast et Tohu-Bohu. Qu’est-ce qui a changé pour toi durant cette période ?
Mon lieu de vie : j’ai quitté Paris pour Berlin. Quand je suis arrivé j’ai eu une grosse période de décompression pour m’imprégner de l’ambiance de la ville. A la fin de cette phase je me suis senti d’attaque pour retourner en studio et me remettre à la musique.
– « Tempelhof » pourquoi avoir choisi ce titre pour le premier track ?
Tempelhof (ancien aéroport situé à Berlin reconverti depuis 2010 en un immense parc ndlr) j’adore cet endroit, ça a un vrai côté mystique ! C’est en allant là-bas que je me suis décidé à aller vivre à Berlin. Mais c’est aussi un quartier, un peu bizarre, où il y avait mon studio.
– Deux invités sur cet album dont un rappeur, Hip Priest…
Ce qui est bien avec Infiné, c’est qu’ils me proposent toujours des trucs originaux. Pour Hip Priest c’est Alex qui m’a demandé si ça ne m’intéressait pas de faire un truc avec lui et moi comme j’adorais ce mec et son groupe Antipop Consortium, j’ai dit oui. Il y a eu un super bon feeling entre nous et on a commencé à bosser ensemble sur un morceau qui est très hip-hop au final. C’était un peu un rêve de gosse.
– …et Gaspar Claus.
Lui c’est différent, c’est un ami dont j’adore la musique. On avait déjà une expérience scénique ensemble et ça faisait un moment qu’on voulait faire un vrai morceau studio. Au départ on a eu du mal à sortir quelque chose, mais en persistant on est arrivé à un truc intéressant et ça a donné “Icare”.
– Est-ce que tu as eu une formation musicale avant de te lancer dans la musique électronique ?
Non pas du tout. Ma sœur faisait du piano donc du coup parfois je pianotais quelques notes, je bricolais des mélodies. Un jour j’ai acheté un saxophone aussi ; je ne savais pas en jouer mais je soufflais dedans et sortais quelques notes. C’est ça qui est génial au final avec la musique électronique, c’est que tu peux produire des trucs, inventer ton univers et être autodidacte, sans passer par le côté académique de la musique qui m’a toujours un peu ennuyé.
– J’ai vu que tu avais bossé avec Lucy. Comment s’est fait la rencontre, parce que c’est deux univers musicaux très différents ?
Oui c’est vrai. Avec Lucy, on a commencé la musique ensemble en fait. Lucas venait de Sicile, il est venu s’installé à Paris, on s’est rencontré et on a commencé à faire un peu de sons tous les deux. On a même vécu un an ensemble ! On s’est un peu perdu de vue mais je l’ai retrouvé quand je me suis installé à Berlin, son studio est à vingt mètres du mien.
– Qu’est-ce que tu écoutes chez toi ? Pas tes musiques d’après ce que tu m’as dit…
Quand je compose et que je suis en pleine préparation d’album, pas grand chose parce que j’aime le silence et que je ne veux pas être influencé par ce qui se fait en ce moment. Quand je ne bosse pas j’écoute ce que mes potes me conseillent. Mais là je suis un peu à la bourre parce que j’ai été bien pris par l’album.
– Sur scène, comment va se présenter ton nouvel album ? En live ?
Oui en live, mais les morceaux seront joués d’une manière différente que sur l’album. J’aimerais bien transformer mes morceaux, les emmener beaucoup plus loin et que le public soit surpris quand il les découvrira sur scène.
– Quelles sont tes actualités en marge de la sortie de l’album Tohu-Bohu ?
D’abord le festival Scopitone à Nantes et ensuite la date à la Gaîté Lyrique le 4 octobre où je jouerais le nouveau live, avec une scénographie de Studio Fünf. Et puis il y a la tournée !
Tohu Bohu, nouvel album de Rone. Sortie le 15 octobre sur InFiné