S’il fallait prendre un homme représentatif du CDV, il fallait choisir Toby Deschamps. Etant l’un des plus vieux résident de ce petit coin de bonheur bordant la Spree, technicien de studio auprès des plus grands djs Berlinois et producteur habile, il fait partie de ces hommes que l’on qualifiera de polyvalent. Il était invité par le collectif Belleville In Music, l’occasion pour nous d’écouter un set bouillant et de célébrer dans la foulée la sortie de son Ep sur le label Salon Records déjà connu de nos pages. Personnage sortant de l’ordinaire et d’une gentillesse rare, il nous semblait nécessaire de lui poser quelques questions.
– Bonjour Toby, peux tu te présenter ?
Toby Deschamps : Bonjour je m’appelle Toby, j’habite à Berlin depuis une dizaine d’années, je fais de la musique depuis le berceau.
– En tant que l’un des plus vieux résidents du club der Visionaere peux tu nous expliquer comment est né ce lieu ?
C’était déjà un lieu de rendez–vous avant de devenir ce qu’il est aujourd’hui, c’était juste privé. Mais quelque chose a changé là bas au début des années 2000 je ne sais pas quoi, et le gérant du lieu a décidé d’y mettre de la musique et des djs. Cela s’est fait sans aucune pression, il n’y avait pas d’impératifs d’organiser de grosses fêtes. Il y avait juste le plus gros ghettoblaster que nous pouvions avoir connecté à des platines. Ces dernières étaient dehors, c’était vraiment relax, on pouvait croiser des potes et leur dire : « je vais jouer au CDV, prend quelques disques et ramène-toi ».
– Comment penses-tu que le lieu a évolué avec le temps ?
Toby Deschamps : Le lieu a pris énormément d’ampleur au fil des ans. Le club rencontre un succès dingue, parfois je me demande si le lieu n’est pas plus connu par les touristes qui viennent de partout en Europe, que par les véritables Berlinois qui ont grandi ici.
C’est juste un rêve d’avoir un lieu comme celui là, il y règne malgré toute cette renommée une atmosphère unique. Il n’y avait rien de fixé ou de déterminé, un jour quelqu’un a eu l’opportunité de faire un joli bar dans cet endroit, ça a transformé le lieu en ce que l’on connait aujourd’hui. Il y a eu énormément de laisser faire car tout le monde voulait y faire quelque chose que ce soit pour le son ou pour des choses telles que les lumières. C’est de cette manière que le lieu s’est développé. Maintenant c’est devenu l’endroit préféré de nombreux dj, sans citer qui que ce soit, il y a énormément de gens qui disent être comme à la maison lorsqu’ils mixent au CDV car ils ont la liberté totale de jouer la musique qu’ils veulent. Il n’y a personne qui vient te dire « ce soir ça se passe comme ça » et pas autrement, chaque soirée évolue naturellement, il n’y a pas de timetables, encore une fois il n’y a vraiment aucune pression.
– Tu joues régulièrement là bas ?
Toby Deschamps : Oui j’y joue depuis toujours, les dernières années je jouais le samedi toutes les deux semaines mais au début, il n’y avait vraiment aucun emploi du temps donc on pouvait jouer quand on voulait. Ce n’était qu’une question de place. Puis nous sommes arrivés à un point ou tout le monde voulait venir jouer au club et ça a commencé à créer des problèmes d’organisation, c’est de là qu’on a commencé à attribuer des jours pour que les djs puissent organiser des soirées.
– As-tu toujours vécu à Berlin ?
Toby Deschamps : Non pas du tout, j’ai vécu dans le sud de l’Allemagne mais j’étais souvent à Berlin. En 2003 j’ai décidé de déménager à Berlin car je passais presque plus de week-ends à Berlin que dans ma propre ville, je suis tombé sur le club der Visionaere et là je me suis dit que c’était le moment d’y vivre pour de bon.
– L’année dernière il y avait des manifestations dans Kreuzberg des locaux, à cause des touristes…
Toby Deschamps : La ville devient de plus en plus chère, surtout les loyers, mais les salaires n’augmentent pas. Le coût de la vie n’est pas cher mais il ne faut pas oublier que les gens qui vivent dans cette ville ont également des salaires réduits. Ça pose pas mal de problème chez les artistes et les jeunes.
– As-tu un autre travail à côté de ton activité de dj et promoteur ?
Toby Deschamps : Oui je fais de la technique en studio, je fais de la consultation, de la vente, je m’occupe des artistes qui veulent des studios. Je m’occupe de tout le système audio dont les artistes ont besoin pour avoir un véritable studio chez eux.
– En terme de temps tu t’arranges comment entre tes deux soirées, ton activité de dj et celle de promoteur ?
Toby Deschamps : C’est un peu du 30% pour chaque activité. Le travail, la production et mes activités liées au djing, c’est une question d’équilibre.
– Et depuis combien de temps t’es tu mis à produire ?
Toby Deschamps : En fait ça fait une dizaine d’années que je traine en studio, mais j’avais jamais vraiment l’envie de finir mes morceaux. Je préférais surtout jouer avec les machines et avec le temps, j’ai certains morceaux qui se sont finis c’est tout.
– Tu produis sous le pseudonyme Jackbox, qu’elle est la différence avec Toby Deschamps ?
Toby Deschamps : Jackbox, c’est une expérimentation, je voulais avec ce nom sortir des productions un peu sèches sonnant un peu comme les tracks de Chicago. Des choses un peu plus brutes directement liées au djing.
– Tu viens de sortir un Ep sur Salon, comment s’est fait la rencontre ?
Toby Deschamps : Encore le CDV, c’est là qu’on s’est rencontré, ça s’est fait naturellement. J. de Salon m’a dit un jour qu’il aimerait bien sortir mon morceau. J’ai dit ok. Ça s’est passé à peu près de la même façon avec Deepdata, qui est un label tenu par mon ancien colocataire. On s’est rencontré, on a commencé à faire de la musique ensemble, à mixer ensemble, à organiser des soirées ensemble pendant 3-4 ans. Ce sont des heureuses collaborations qui arrivent avec le hasard, il ne faut pas forcer les choses.
– Maintenant tu organises tes soirées tout seul ?
Toby Deschamps : Depuis toujours j’ai ma soirée, j’invite deux dj, mais je fais vraiment attention à ce qu’il y ait une vraie alchimie entre les artistes pour qu’ils puissent jouer ensemble un par un. C’est comme organiser un diner parfait. Ça me fait plaisir de les inviter et de voir la magie opérer, puis de découvrir ou ça nous amène. Parfois c’est deep, parfois c’est mental. J’adore, à partir de rien, créer une ambiance de fête unique, l’instant d’une nuit.
– Y’a t’il des nuits qui t’ont plus marquées que d’autres ?
Toby Deschamps : La découverte d’Antislash c’était une super bonne surprise pour moi. La soirée était dingue, il en a plein sinon avec S-max (Boogizm, Telegraph), Falko Brocksieper (Sub-static), Rene Breitbarth (Deep Data) ou encore Jin Choi qui avait fait un live exceptionnel. J’en oublie surement plein. Il n’y a pas eu de soirées qui se démarquent vraiment de toutes les autres. Mais plein de bons moments de partage avec tout le monde, le public qui vient pour danser et écouter, les djs qui sont là pour s’amuser, à chaque fois c’est génial.
– Ton premier Ep était en 2009 et ton second cette année. Penses-tu te consacrer un peu plus à la production ?
Toby Deschamps : J’ai déjà pas mal d‘ éléments enregistrés mais qui ne sont pas totalement finalisés, je pense qu’après cette saison au visionnaire il y aura des prochaines sorties. Je peux pas me forcer de finir un morceau et de mettre un truc naze dessus juste parce qu’il faut sortir quelque chose. Il faut que je sois content de moi, que j’apprécie l’écouter moi même.
– Ton travail de technicien de studio t’aide-t’il à composer ?
Toby Deschamps : Oui bien sur, je touche à plein de matos grâce à ce job, ça me permet de découvrir plein de possibilités auxquelles je n’aurais pas pensé naturellement. Les machines les synthés mais surtout les effets ont toujours été ma passion. Les dynamiques, les problèmes d’acoustique m’ont toujours intéressé donc ça m’aide beaucoup.
– As-tu un jouet préféré ?
Toby Deschamps : Eventide, c’est un effet digital modulaire en rack c’est très flexible, c’est un peu casse-couilles à prendre en main, mais c’est une machine qui permet de créer des sons incroyables.
– Quel est le plus grand studio que tu n’aies jamais installé ?
Toby Deschamps : C’est toujours celui de Ricardo Villalobos, lorsqu’on est dans cette pièce on sent qu’il utilise les machines, c’est plein de jouet dans grand parc d’attraction, mais pour les grands. On s’y sent bien, le son est parfait.
– Un dernier mot ?
Toby Deschamps : Ça me fait super plaisir de jouer à Paris, et de partager ma musique. Merci a Jon pour son label exceptionnel et tous ceux qui me supportent.
Toby Deschamps aka Jackbox sur Facebook
La release sur Salon Records disponible sur Decks
La release sur No One Cares disponible sur Decks