Groupe, collectif aux multiples facettes, Breton est bien plus qu’une simple Hype tout droit venue d’Angleterre. Vidéastes, graphistes, musiciens et surtout avant tout observateurs d’une société qu’ils ne cessent de tordre, d’analyser, de confronter. Roman, chanteur et guitariste de Breton nous a fait le plaisir de nous accorder cette Interview. Emeutes en Angleterre, remix, ou encore réfléxion autour du surréalisme, tout y passe.
– Breton s’est formé à la fin de votre cursus universitaire. Quelles étaient vos motivations à ce moment là ?
Roman : A ce moment-là nous avions déjà plein de projets, un peu comme vous Phonographe, des fêtes, des blogs. On se connaissait déjà tous, avec Adam, avec Inn dans le graphisme et Ryan faisait aussi beaucoup de visuels pour des groupes. Monter un groupe de musique était plus un moyen de combiner tout cela.
– Breton se décrit comme un collectif. Quel sens ce mot a pour toi ?
Roman : Pour moi, un collectif c’est pas seulement des types qui bossent ensemble. Un collectif, c’est lâcher un peu le rôle de l’artiste, dans son sens personnel. Ne pas créer quelque chose de juste autobiographique. On a préféré combiner toutes nos idées. J’aime montrer mes chansons à Adam, voir ce qu’il a à m’apporter. Lui, aime des courant musicaux différents alors, si ça peut nous plaire à tous les deux, alors on avance vers une musique plus riche.
– Si tu devais décrire le collectif Breton en quelques mots, tu dirais quoi ?
Roman : C’est une question difficile, mais je dirai peut être le mot “œuvre”. Je veux pouvoir mourir en laissant une trace, un film, une musique. Juste laisser un moment, comme une capture, quelque chose qui prouve qu’à ce moment précis, et bien les choses étaient ainsi, les gens vivaient comme ça. Prouver son existence.
– Vous faites énormément de choses: vidéos, design, musique. Pensez-vous que la musique soit le domaine dans lequel vous vous exprimez le plus naturellement ?
Roman : Je pense que la musique véhicule ce qu’on ressent de manière plus rapide. Si t’es un sculpteur par exemple, il faut trouver une galerie, de la matière, pour un groupe de musique, ou même pour vous Phonographe via votre blog, c’est rapide, le canal est plus court. La musique est donc notre moyen le plus rapide de diffuser nos créations, et ainsi on peut montrer toutes nos créations. Musique, photo, vidéo, on veut pas juste avoir une chanson mais tout ce qui l’entoure.
– Aujourd’hui, la musique prend une place plus importante dans vos créations ?
Roman : Non, justement, maintenant on est plus libre pour le reste. On a plus d’argent pour faire des vidéos, on n’a pas besoin de travailler la semaine, avoir des petits boulots, pour pouvoir créer le week-end. Faire une tournée est quand même très fatiguant, mais tu peux toujours créer. Tu as un van, des prises, internet, tout ce qu’il te faut. Je peux faire des remixes, poser des idées.
– Justement les remixes, c’est quelque chose vers lequel tu veux tendre, ça t’intéresse ?
Roman : Je pense que le remix, c’est vraiment l’image de ce qui se passe actuellement dans la musique. Un remix, ça peut être très intelligent. Tu peux être plus libre. On en revient au fait de re-contextualiser. Faire du nouveau avec du vieux, repenser une création. C’est génial.
– La notion de surréalisme se traduit comment dans votre musique ?
Roman : Le surréalisme , c’est quelque chose d’énorme. On peut être diplômé du surréalisme et ne pas être d’accord avec une autre personne qui s’y connaît tout autant. Moi, ce que je comprends c’est que si tu changes un petit détail au début, même quelque chose d’infime, tout change. C’est le hasard, le vrai, personne ne te contrôle, c’est un retour à l’imagination pure.
– C’est important pour toi cette spontanéité ?
Roman : En fait, c’est juste que je ne peux pas faire autrement. Je peux attraper des choses, mais je ne sais pas construire à partir de rien.
– L’esthétique, les notions d’image et de design sont très importantes pour vous. Dans ce cadre là, comment abordez-vous le live ?
Roman : C’est encore un autre exemple de ce qu’on appelle l’interprétation. Car on peut parler des heures de Breton, de ce que tu en penses, de ce que j’en pense, mais tu vas voir quelqu’un d’autre et il te dira qu’en fait c’est une musique abstraite et un autre lui répondre : “non, c’est du concret”. Moi, j’aime bien plein de musiques, Pop, Indie, Club, House. Alors, je prends toutes ces idées et j’essaye de les traduire dans l’immédiat. Peut être que toute à l’heure certains fans de surréalisme vont aimer ce concert, et d’autres détesteront le surréalisme et pourront aimer, ou l’inverse j’en sais rien. Tout ça, c’est pas juste pour faire de la musique intellectuelle et pseudo-artistique. C’est important pour nous de ne pas être prétentieux. Je ne détiens aucune vérité.
– Le nom de l’album, est un peu mystérieux, voir même provocateur. Tu l’interprètes comment ?
Roman : En fait, je me demande souvent si je regrette ce nom ou pas. Je ne pense pas. Lorsque je l’ai appelé comme ça, on savait tous que plein de choses étaient hors contrôle. Pas dans un mauvais sens, c’est juste qu’on est guidé par ce qui nous entoure et même par le hasard. Tu tombes amoureux, bam comme ça, ou alors tu vois quelque chose qui va faire exploser ta vie. Le hasard a un putain d’effet sur toi. C’est ça les problèmes des autres. Des trucs à résoudre. C’est comme écrire une chanson, faire une partie d’échec, tu cherches une stratégie.
– Justement par rapport à ça, les problèmes des autres, les dernières émeutes en Angleterre, tu les as vécues comment ?
Roman : J’étais surtout dans la confusion. C’est dur de parler de ça ici, car vous en France vous avez toute une histoire derrière ça, le droit de grève, la protestation toujours très importante, politisée. En Angleterre, c’était surtout du chaos, personne ne savait quoi faire, et surtout pourquoi le faire. C’est exactement ça les problèmes des autres. Les gens disaient, « c’est le gouvernement, mais ça ne me concerne pas, ce sont les problèmes des autres ».
– Tout ça, ça t’a inspiré pour des chansons ?
Roman : Le Labs est dans le centre du Sud de Londres et beaucoup de « problèmes » étaient soit à l’Est, soit au Sud. A côté du Labs, il y avait une rue complètement éclatée. Une rue avec des magasins pauvres, les gens ont tout pillé, mais pas des Ipad ou des Iphone, non juste du riz ou des trucs comme ça. Dans le Labs, j’étais en train d’enregistrer des vocaux, et dans la rue j’entendais des sirènes, des gens qui roulaient à fond. A un moment je me suis dit, merde, je vais capter tout ce bordel dehors. En fait, j’ai un vieux micro, vraiment tout pourri, et il capte le moindre son, le moindre grésillement. Au final le tout ressemblait à du Hip-Hop Old School, c’était marrant.
– En ce moment pas mal de groupes aiment contrôler les vidéos, la musique. Wu Lyf ou Odd Future par exemple. Tu penses que c’est un truc spécifiquement générationnel ?
Roman : On appartient tous à cette génération. Regardez, il y a 15 ans vous n’auriez pas pu avoir votre blog avec autant de monde qui vous lit. On n’aurait pas pu écrire sur Twitter qu’on fait une fête ce soir et avoir bizarrement un mec de Miami qui te réponde ou des trucs comme ça. Ou alors on aurait pu le faire, mais putain tout n’aurait pas pu être articulé comme aujourd’hui. Alors ouais, on profite tous de ça.. Limite aujourd’hui, les labels ils ne te servent plus à rien. Maintenant tout se concentre sur le fait d’avoir une bonne idée. On ne peut plus mentir de la même façon qu’avant. Il y a toujours la Hype, mais je pense que tout est plus honnête. La virus se disperse si ce que tu fais est bon, et il s’arrête, se détruit si c’est de la merde..
– Quelle est ta position concernant l’industrie de la musique aujourd’hui ?
Roman : C’est dur, parce que certes, je dis tout ça mais nous aussi on a signé sur un label. C’est juste qu’il doit être plus souple, plus compréhensif. Aujourd’hui tu ne peux plus demander aux artistes de faire ça, de se coiffer comme ça etc… Leur demander de ne plus réfléchir en fait.
– Et votre Label Fat Cats Records alors, vous l’avez choisi comment ?
Roman : En fait, on l’a choisi parce qu’ils arrivent à être Indie sans être désorganisé. Et puis, ils ont commencé avec de la House de Chicago, puis de Detroit, en fait des trucs très pointus, très avant-gardistes. Nous, on aime le mélange, ne pas être enfermé. Alors, c’était parfait pour nous.
– Comment tu vois la suite de Breton, le futur ?
Roman : J’espère juste qu’on va continuer à jouer. Il y a eu un album parce qu’on était très excités par nos chansons. La théorie est simple, presque enfantine. Tant qu’il y aura quelqu’un qui dira : « putain j’aime cette chanson » et bien on sera là pour continuer. J’ai presque cette responsabilité. Continuer et s’arrêter juste quand plus personne n’appréciera.
– Si Breton devait être une idée, une motivation, une devise ce serait quoi ?
Roman : Pas spécialement de tout faire soi même, mais, tant qu’on peut, de ne rien laisser aux autres. De ne rien trahir.
– Vous pensez quoi de vos dates en France ?
Roman : On adore la France, on s’amuse bien. Avant on ne jouait qu’en Angleterre, c’est plus dur et puis la nourriture est dégueulasse. Aux USA, ils applaudissent tout le temps, même quand tu ne joues pas. En France, le public est curieux. Les gens remettent toujours la musique, les chansons en question et c’est cool, parce que ça améliore ces chansons.
– Merci à toi pour cette Interview, et à tout à l’heure pour le concert.
Roman : Merci à vous les gars, ouais, à tout à l’heure, j’espère que ça va vous plaire.