– Bonjour peux-tu te présenter ?
Salut, je m’appelle Sébastien. Je suis un jeune dj depuis une quinzaine d’années j’ai commencé à mixer vers l’âge de 20 ans. J’ai été formé par les raves parties. C’est grâce à cette scène que j’ai découvert la house et la techno. J’allais souvent dans des raves dans le Sud de la France. A l’époque, elles étaient organisées par Tech-Mix. Aujourd’hui ça ne doit parler à personne, mais c’était mené par un monsieur qui s’appelait Milosch. Pour moi, son travail pour la musique électronique en France a autant d’importance que celui des Daft Punk. Il a participé à la création de Technopole et il a signé mon premier disque, « La 11ème marche ». C’était un échec total, on en avait vendu 400, cela ne représentait rien à l’époque. Par la suite, on l’a ressorti sur Pias et il y en a près de 20 000 qui sont partis. C’est grâce à lui que j’ai pu me forger une éducation musicale et que j’ai eu l’opportunité de sortir un disque.
– Tu me parles des Daft Punk mais si je te dis Detroit…
Ça me parle plus. Detroit c’est un trou, la ville a perdu les trois quarts de ses habitants en moins de 10 ans. Les rues sont désertes. Il y a plein de ruines partout dans la ville et plein de squats. Mais, c’est aussi pour ça que c’est resté un lieu emblématique.
La Motor City est tellement hors du temps aujourd’hui que tout ce qui en sort, aujourd’hui, musicalement parlant, est impérissable. Presque chaque morceau sorti à Detroit rentre dans la culture classique de la techno. C’est une ville hors du temps qui ne suit pas les tendances. Là bas, les musiciens sont vraiment des gens à part, ils sortent tous des choses qui leurs sont propres il n’y a pas lame de fond comme avec la French Touch en France où tout le monde se plagie. Aujourd’hui, j’adore Kyle Hall, c’est la nouvelle génération de Detroit. Cette ville, quant tu y restes en tant que producteur, tu t’inscris forcément dans un mythe. D’ailleurs Lyon c’est un peu le Detroit français (rires)… Non je déconne.
Agoria – La Onizième Marche
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– En parlant de Lyon, les dernières Nuits Sonores viennent de finir, quel regard as-tu sur à cette édition et à tout le travail qui à été fait en amont durant toutes ces années ?
Sur la dernière édition, je ne peux pas te répondre car malheureusement je n’ai pu être présent que sur la soirée où j’ai joué. J’ai juste vu un peu du concert de Gonzalez, puis Caribou et Matthew Dear. Mais sur l’évolution du festival, en tant que co-fondateur je ne peux en dire que du bien, je ne serais pas très objectif. Je suis fier de la pérennité du festival, quand on l’a créé on ne pensait pas que ça durerait, d’ailleurs on ne pensait pas tout court. On était dans l’urgence d’organiser une alternative pour que quelque chose se passe à Lyon. Artistiquement, j’estime qu’on a toujours défendu certaines valeurs. Je suis content des retours que l’on a de l’étranger. D’autre part, le public est toujours plus exigent, ce qui nous permet certaines libertés dans la programmation. Il est peut-être un peu moins familial qu’au début, mais il garde ce côté artisanal et conserve une certaine proximité.
– En tant que producteur, c’est le premier album que tu produis sur Infiné. Pourquoi ne le faire que maintenant ?
La question c’est surtout pourquoi ne pas le signer sur Infiné. J’arrête pas de dire à mes camarades de venir signer chez nous, que c’est cool et qu’on s’y plait, donc si je ne signe même pas mon album sur le label, je donne un message incohérent. La seule question pour l’album, c’était de ne pas vampiriser le label avec mon album. En plus j’ai beaucoup plus de contrôle sur Infiné. C’est un luxe de sortir sa musique sur son propre label et d’être maître de toutes les décisions. Être sur une petite structure c’est surement plus de travail et de risques que sur une major mais c’est beaucoup plus excitant pour moi.
– Tu as fait énormément de collaborations en comparaison aux autres albums.
En fait, si on regarde d’un peu plus près, j’ai toujours aimé faire des albums éclatés et avec beaucoup de collaborations. Sur le premier album, il y a avait Tricky, Ann Saunderson, Neneh Cherry, Silvy Marks. Sur le deuxième, il y en avait autant. C’est juste qu‘ Impermance est un album domestique et polyvalent. Il est fait pour ton salon ou pour le club.
– Comment as-tu travaillé avec Carl Craig ?
Il est très cool, c’est un nounours. Un soir il y a deux ans, on jouait au Rex et sa voix m’a bercé. J’ai été déconnecté du dîner. Comme c’est un ami avec lequel je n’avais jamais eu l’occasion de travailler, je lui ai proposé de poser sa voix sur un morceau. Je lui ai envoyé quelques boucles et je recevais sa voix et ses textes quelques semaines après. Ça s’est fait par affinité.
– Tu as une formation classique à la base en musique ?
Oui mais j’ai tout oublié, j’ai étudié au conservatoire pendant 9 ans puis j’ai arrêté. J’en ai peut-être gagné l’oreille mais ça doit être le seul truc. Aujourd’hui je ne produis qu’avec des machines et Logic je serais bien incapable de toucher un instrument. En musique électronique de toute façon il faut surtout aimer les machines et travailler sur spatialisation du son. J’adore mes machines. De temps en temps je rachète un synthé ou une boite à rythmes, mais il faut surtout penser aux effets, aux compresseurs, c’est ce qui donne une certaine signature sonore. De toute façon il n’y a pas forcément besoin de maîtriser la mélodie, pour faire de la musique électronique. Chez Plastikman, dans son album Consumed par exemple c’est la respiration de la musique qui fait de ce disque une œuvre d’art. Pierre Schaeffer disait « l’important ce ne sont pas les notes mais ce qu’il y a entre les notes », tout est dans le détail et la finition. C’est pour ça d’ailleurs que je ne suis pas fan de French Touch car ça à beau être fun je ne trouve pas ça très subtil. Je suis sur que si je ressortais Stereolove aujourd’hui on me cataloguerait French Touch.
Agoria – Worth It feat Ann Saunderson
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– Non ça ne serait pas assez violent…
Ah ben j’ai jamais dû être assez violent (rires)
– Quel rôle occupes-tu dans Infiné ?
Je suis loin d’être tout seul et heureusement. On a créé le label à trois, Yannick s’occupe de tous les aspects fonctionnels pour que l’entreprise tourne, c’est un peu le héros et Alexandre Cazac s’occupe du management et de la partie artistique avec moi. Puis il y a Martin qui prend en charge l’édition et puis pas mal d’autres personnes encore.
– Quel est ton rôle?
Je m’occupe du côté artistique du label et dès que je peux donner un petit coup de pouce je le fais. Par exemple pour le Sonar on a organisé un showcase avec Clara Moto Rone et Arandel qui sont nos poulains du moment. J’essaye de créer des passerelles et de jouer de mon entregent. J’ai un rôle d’accompagnement. S’ils ont des doutes je peux les aider.
Rone pour son dernier Ep a fait 32 versions (un peu à cause de moi), et on a même pas choisi la dernière. Cependant il a sorti une version dont il était content. J’essaie d’être une oreille à l’écoute pour les artistes de mon label afin de les aider à atteindre leurs objectifs.
– Si tu avais quelque chose à refaire dans ta carrière tu ferais quoi ?
J’assume tout mais je pense que je n’aurais pas fini mon set des Nuits Sonores avec Radiohead parce que j’avais déjà fait ça l’année dernière, je me suis planté. Mais bon c’est personnel ça.
Agoria – Sky is clear ( Supermayer remix)
[audio:http://www.phonographecorp.fr/wp-content/uploads/2011/11/agoria-sky-is-clear-michael-mayer-remix.mp3|titles=Agoria – sky is clear (Michael Mayer remix)]– Tu prends toujours autant de plaisir en soirée ?
J’en ai fait pas mal des soirées, en tant que spectateur. En tant que dj, je prends toujours autant de plaisir à jouer, mais physiquement c’est dur, tu finis tard, tu picoles. En juillet je fais 13 dates, c’est assez fatiguant physiquement, mais tu regrette jamais une bonne soirée. Si tu ne prends plus de plaisir à jouer faut arrêter. Ça se voit et il faut toujours qu’il y ait une sorte de partage avec les gens.
– Un dernier mot ?
Longue vie au Phonographe, comme ça on aura tous de la bonne musique à partager ensemble.
Merci à Molly, Virginie, et Sebastien pour leur temps et leur gentillesse.